par Sébastien Wambre
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12 septembre 2022
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) vous connaissez ? Il s’agit d’un accompagnement des patients atteints de pathologie chronique par des professionnels formés, pour les aider à mieux comprendre, mieux gérer leur maladie. C’est un concept inscrit dans la loi française depuis 2009 et particulièrement encadré, ainsi que nous l’explique Brigitte Sandrin de l’association française pour le développement de l’éducation thérapeutique, que nous avons interviewée. Elle pose le décor de l’éducation thérapeutique en France dans la première partie de cet article. On trouve des programmes d’éducation thérapeutique partout en France, pour diverses maladies. Ainsi pour compléter cette interview, 66 Millions d’IMpatients a rencontré des patients diabétiques reçus pour une semaine d’éducation thérapeutique dans un hôpital parisien. Ils nous ont fait part de leur parcours face à la maladie et de leurs attentes par rapport à ce programme. Interview du Dr Brigitte Sandrin, Directrice de L’ASSOCIATION FRANÇAISE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE (AFDET) 66 Millions d’IMpatients : Selon vous, est-ce que les patients savent que l’éducation thérapeutique existe et de quoi il s’agit ? C’est très inégal. Un certain nombre d’associations de patients sont elles-mêmes engagées dans des programmes d’éducation thérapeutique, donc elles savent bien de quoi il s’agit et comment y participer. En revanche, un patient qui ne fréquente pas particulièrement d’associations de patients n’en entendra pas forcément parler. Cela va dépendre de l’endroit où il est suivi pour sa maladie et si l’équipe soignante a mis en place des programmes d’éducation thérapeutique. Malheureusement, je reconnais qu’il y a sûrement une minorité de patients qui savent ce que c’est. Comment définiriez-vous l’éducation thérapeutique ? Pour moi, l’éducation thérapeutique, c’est tout ce que l’on met en place pour aider les patients à prendre soin d’eux-mêmes, en favorisant leur implication dans les décisions et les actions qui concernent leur santé. Cela passe d’abord par la formation des professionnels de santé qui doivent apprendre à écouter les patients, à adopter une démarche centrée sur le patient et non pas sur la maladie, à prendre en compte la personne dans son environnement, à construire avec elle des solutions adaptées… Il faut passer d’une approche prescriptive et injonctive à une approche collaborative. Les patients suivis en ville sont-ils moins pris en charge en éducation thérapeutique ? Oui, car plus de 80% des programmes sont mis en place par des unités hospitalières. C’est d’autant plus désolant que beaucoup de malades chroniques, auxquels ces programmes sont a priori destinés, sont suivis en cabinets de ville. Cela s’explique principalement par le fait que le modèle retenu pour développer l’éducation thérapeutique s’appuie sur des « programmes », qui ont été conçus à partir d’une organisation hospitalière. C’est donc une activité plus facile à mettre en place à l’hôpital qu’en cabinet de ville. Nous travaillons à l’AFDET avec des maisons ou des réseaux de santé en ville et on voit bien que le modèle d’éducation thérapeutique est très peu adapté à l’activité du médecin généraliste, de l’infirmière de ville ou du pharmacien par exemple. Avec eux, nous sommes obligés de repenser une autre façon de pratiquer, différente d’une approche par « programmes » telle qu’elle est décrite dans la loi et par la Haute Autorité de Santé (HAS) notamment. Pourquoi le concept de « programme » est-il aussi important ? Peut-on développer l’éducation thérapeutique en dehors de ces programmes et les pouvoirs publics s’en donnent-ils les moyens ? La loi de 2009 (loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires), qui a officiellement formalisé l’éducation thérapeutique, comporte un premier article, assez général, qui donne une définition de l’éducation thérapeutique et précise que celle-ci « s’inscrit dans le parcours de soins du patient ». Le deuxième article est consacré aux programmes. A l’époque, des conseillers du ministre de la santé m’avaient dit que les « programmes » mentionnés dans la loi n’étaient qu’un exemple et ne constituaient qu’une forme particulière d’éducation thérapeutique, celle-ci devant essentiellement s’exercer dans le cadre des soins. Cependant ces « programmes » étant cités dans la loi et soumis à une autorisation des Agences Régionales de Santé (ARS), ils sont devenus, pour la plupart des gens, la seule façon de faire de l’éducation thérapeutique même si ce n’était pas l’intention du législateur. De fait, ainsi que je le disais plus haut, ce n’est pas du tout adapté aux structures en dehors de l’hôpital. Petit à petit, les pouvoirs publics, et notamment les ARS, en prennent conscience. Dans certaines régions, les Agences commencent à soutenir des projets plus expérimentaux pour que l’éducation thérapeutique se développe en ville dans le cadre de soins de proximité. Côté soutien financier, particulièrement pour les projets d’éducation thérapeutique en ville, cela reste un problème. Il n’y a pas vraiment de budget dédié à cela. Comment se passent les financements de l’éducation thérapeutique ? Il faut savoir que tous les programmes ne sont pas financés. Quand vous faites une demande d’autorisation pour la mise en place d’un programme auprès de l’ARS, une mention précise systématiquement : « Autorisation ne vaut pas financement ». Quand il est financé, le plus souvent, il s’agit d’un forfait par patient, par exemple de 250 €, versé sous réserve que le patient participe à un entretien de départ, à plusieurs ateliers collectifs et à un entretien d’évaluation. C’est donc très compliqué d’établir un budget à l’avance puisque le temps de travail des professionnels de santé mobilisés sera toujours le même mais le financement se fera a posteriori, en fonction du nombre de patients qui auront effectivement participé au programme. Quand on lance un programme pour la première fois, les moyens à mettre en œuvre et leur financement sont donc difficiles à estimer. Ce système de financement vous semble-t-il adapté ? Pas vraiment. Cela va à l’encontre d’une intégration de l’éducation thérapeutique aux soins, puisque c’est un financement « à part ». En réalité, tous les patients atteints de maladie chronique ont, à certains moments, besoin d’être écoutés, accompagnés dans leurs projets, de comprendre ce qui leur arrive, d’apprendre à se soigner, de trouver les solutions qui leur permettront de vivre au mieux avec la maladie et ses contraintes. Le temps que cela demande aux professionnels devrait, selon moi, être valorisé dans les soins et pour les divers acteurs de l’équipe soignante. La loi parle de « programmes personnalisés », autrement dit on devrait pouvoir s’adapter aux problématiques et au rythme de chaque patient. Or le mode de financement, tel qu’il est mis en place oblige les équipes soignantes à intégrer le patient dans un programme assez standardisé avec principalement des séances collectives. Cela empêche l’accès à plein de malades qui peuvent avoir des contraintes de vie sociale, d’éloignement, des problèmes pour lire, écrire ou parler notre langue ou qui peuvent ne pas se sentir prêts à rencontrer d’autres malades. Ils auraient, eux aussi, besoin de ce qu’on appelle l’éducation thérapeutique mais ils n’y ont pas accès. Enfin, pour obtenir le financement et la validation d’un programme, les contraintes sont lourdes en termes d’organisation et de montage de dossier. Certaines équipes soignantes renoncent à déposer une demande d’autorisation et s’appliquent à développer l’éducation thérapeutique dans les soins quotidiens mais cela nécessite un temps qui est difficile à trouver dans le contexte hospitalier actuel. Est-ce toujours gratuit pour les patients ? En général c’est gratuit mais dans certains endroits, par exemple dans les établissements thermaux, une participation est parfois demandée aux patients. D’une maladie à l’autre, on entend plus ou moins parler d’éducation thérapeutique. Historiquement ce sont les équipes de diabétologie qui ont, les premières, mis en œuvre l’éducation du patient et, aujourd’hui encore, c’est pour cette pathologie qu’il y a le plus de programmes car les patients doivent apprendre à gérer leurs injections quotidiennes d’insuline mais aussi modifier leurs habitudes alimentaires ou leur activité physique. Mais, peu à peu, cela se développe pour l’ensemble des pathologies chroniques. TROUVER UN PROGRAMME D’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE PRÈS DE CHEZ SOI Dans toutes les régions, chaque Agence Régionale de Santé répertorie les programmes d’éducation thérapeutique autorisés. Voici quelques exemples : • En Ile-de-France , il existe une base de données en ligne, appelée CART’EP où l’on peut faire une recherche par pathologie, secteur géographique, etc. L’accès à cette base de données est libre mais l’éditeur du site semble s’adresser davantage aux professionnels de santé qu’aux patients. • En Nouvelle-Aquitaine , les programmes d’ETP, les structures ressources et les associations d’accompagnement du patient sont géolocalisés sur la cartographie de la plateforme régionale ETHNA https://ethna.net/. • En Auvergne Rhône-Alpes , les programmes sont répertoriés sur le site ephora.fr. • En PACA , la base de données Oscars et le site http://etap.paca.ars.sante.fr • En Occitanie , le site pour trouver le programme le plus proche selon sa pathologie s’adresse bel et bien directement aux malades. L’interface est très simple d’utilisation et c’est même plein d’humour (allez y faire un tour !). Rendez-vous sur mon-etp.fr… en espérant que les autres régions s’en inspireront, car c’est vraiment très bien fait. Il y a également plein d’actions ou d’ateliers qui ne portent pas officiellement le nom d’« éducation thérapeutique » car les équipes qui les mettent en œuvre n’ont pas obtenu ou cherché à obtenir l’autorisation de l’ARS mais leur objectif est le même. Ces ateliers ou stages sont souvent plus difficiles à trouver. On en entendra plus facilement parler en faisant partie d’associations de patients, de réseaux de soins ou en étant suivi à l’hôpital. Les programmes d’éducation thérapeutique rencontrent-ils leur public ? Dans certains services, du fait que les programmes d’éducation thérapeutique sont standardisés pour les raisons que j’exposais plus haut, le modèle proposé est très « scolaire » et ne retient pas toujours l’attention des patients. Ils vont y aller une première fois et risquent de ne pas y retourner. Heureusement, il y a de plus en plus d’endroits où une véritable collaboration est mise en place entre les associations de patients et les professionnels de santé. Il me semble que c’est un gage de qualité que les patients soient impliqués dans les programmes. C’est d’ailleurs normalement prévu dans le cahier des charges mais, dans les faits, il n’est pas si fréquent que des patients soient associés à la conception, à l’animation et à l’évaluation des programmes. Faut-il forcément être adressé par un médecin pour s’inscrire à un programme d’éducation thérapeutique ? Normalement oui. La loi précise que « les programmes sont proposés au patient par le médecin prescripteur ». Cela dit, on peut entendre parler d’un programme par soi-même et demander ensuite la validation à son médecin.